Devenir famille d’accueil

“J’ai fait le choix d’être famille d’accueil”

“J’ai fait le choix d’être famille d’accueil”

Accueillir chez soi un enfant placé par le service d’aide à la jeunesse est une aventure humaine aussi riche qu’intense. C’est le chemin de vie choisi par Fanny, une trentenaire qui accueille depuis près de 4 ans un petit garçon dont elle a l’entière responsabilité. 

Selon plusieurs associations d’accompagnement à l’enfance, plus de 600 enfants étaient, en novembre 2020, à la recherche d’une famille pour les accueillir, que ce soit pour des solutions d’urgence ou des placements de moyennes et longues durées. Des chiffres qui nous ont donné envie de partir à la rencontre de familles ayant fait le choix d’accueillir des enfants placés par les services d’aide à la jeunesse. Fanny, femme pétillante de 37 ans, a répondu à notre appel à témoins.

Fanny, famille d’accueil depuis 4 ans, nous raconte son histoire

Toute petite, Fanny expliquait déjà vouloir aider les enfants. Une envie qui l’a poussée à travailler dans le secteur de l’enfance: “Pendant mes études de psychologie, je me suis presque naturellement tournée vers des stages touchant à l’aide à la jeunesse. Une fois mon diplôme en poche, j’ai rapidement intégré une crèche”. Mais Fanny a envie de plus et décide de travailler dans l’humanitaire. Elle intègre une ONG qui l’envoie en mission à Madagascar avec d’autres bénévoles afin de mettre sur pied des maisons d’accueil pour enfants maltraités, ainsi qu’un système de familles d’accueil. Pendant une année complète, la jeune femme formera et suivra des familles désirant accueillir des enfants ayant dû être retirés à leurs parents biologiques.

Fanny se voit proposer un CDI par l’association. Un contrat qu’elle refuse pour revenir au pays. Mais son retour ne se passe pas comme prévu: après avoir vu des gens vivre dans la misère, elle a l’impression qu’en Belgique, sa vie manque de sens. À tel point qu’elle n’arrive plus à prendre de plaisir à travailler au sein de la crèche qu’elle avait réintégré après son séjour à Madagascar. Elle fera un burn-out: “En revenant de ce voyage, j’avais vraiment l’impression que les soucis quotidiens que l’on rencontrait ici étaient bien futiles, que mon travail n’avait pas vraiment de sens”.

Un voyage qui change une vie

La jeune femme comprend que son voyage l’a fondamentalement changée et qu’elle souhaite désormais venir en aide aux enfants et aux familles en difficultés. Fanny donne sa démission et crée son cabinet de psychologue. Très vite, elle est amenée à travailler avec des institutions d’aide à la jeunesse et des foyers d’hébergement. Un travail qui la comble: “À cet instant précis, je me sens à ma place. En tant que psychologue et psychomotricienne relationnelle, j’accompagne les enfants ayant une histoire compliquée… Et je me sens parfaitement alignée avec cette nouvelle mission de vie. J’ai l’impression d’être utile, que mon travail est porteur de sens”.

Fin 2016, un petit garçon arrive au sein d’un des foyers pour lesquels Fanny travaille. Un enfant qui a un lourd passé et qu’on lui demande d’aider. Fanny le rencontre et c’est un nouveau choc pour elle: “Ce petit a 4 ans à peine et il est comme absent, vide à l’intérieur. C’est la première fois de ma carrière que cela m’arrive mais je me sens désarmée face à lui”. La jeune femme rebondit vite et parvient à entrer en contact avec ce petit garçon lors de sa deuxième séance de travail. “Je joue avec lui et je lui construis une jolie cabane pour l’accueillir. Son regard s’illumine enfin, et ce que je vois est merveilleux”. Forte de cette petite victoire, Fanny continue sur cette voie et un lien particulier se tisse entre elle et le garçon.

Un rendez-vous, et le déclic

Quelques semaines plus tard, le délégué du SAJ en charge du dossier de l’enfant lui demande d’assister à un rendez-vous pendant lequel il annonce à l’enfant qu’il recherche une solution d’accueil en famille pour lui. Avant le rendez-vous, le gestionnaire avoue à demi-mot qu’il sera malgré tout bien difficile de lui trouver une famille, car dans ce système, ce sont surtout les très petits enfants qui sont plébiscités. Elle ne le sait pas encore, mais cette révélation va impacter toute la vie de Fanny. “Le délégué est en train de parler à ce petit gars de 4 ans avec lequel je travaille depuis plusieurs mois, et lorsqu’il lui explique qu’il va chercher une famille qui s’occupera bien de lui, je me dis intérieurement ‘Et si c’était moi?’. Cette idée fait tellement écho en moi qu’après la réunion, je demande à voir le gestionnaire en privé, pour lui demander ce que je dois faire pour devenir la famille d’accueil de Maxime”.

“Au fond de moi, je sentais que c’était juste”

Après cette demande, Fanny doit arrêter de suivre professionnellement le petit garçon, et se lance corps et âme dans les démarches administratives. Elle déménage même afin d’avoir un logement de deux chambres. “Ce qui est assez fou, c’est que si je m’étais toujours dit que j’aurais certainement des enfants un jour, je n’avais jamais rien fait pour devenir maman… Or ici, je faisais tout ce que je pouvais pour accueillir ce petit gars au plus vite. Au fond de moi, je sentais que c’était juste”.

En juin, Fanny reçoit l’acceptation des services de l’enfance. La future famille peut enfin commencer son histoire. S’en suit une période d’acclimatation, pendant laquelle Fanny et Maxime apprennent à se connaître autrement que dans le cadre du foyer: ils vont se promener, manger, faire quelques activités… Mais cette période est particulièrement compliquée à vivre, puisque le petit garçon semble ne pas vouloir accompagner Fanny quand elle vient le chercher et, à l’inverse, ne plus vouloir partir quand arrive l’heure de repartir au foyer. En août, il est enfin temps pour Fanny de devenir famille d’accueil. Pas si simple pour Fanny, qui doit apprendre à être la maman d’accueil d’un petit garçon qui a pas mal souffert. Les galères s’accumulent les premiers mois et le quotidien s’avère plus compliqué qu’imaginé: “Tout ou presque est compliqué, surtout à l’école où Maxime a beaucoup de mal à s’intégrer. Il n’arrive pas à se faire de copains, est extrêmement brusque et a des comportements pour le moins complexes à gérer. Très vite, il est le bouc émissaire de l’école et tous sont contre cette famille particulière.

De difficultés en difficultés

Fanny se rend alors compte de la pression qui pèse sur ses épaules: elle souhaite faire grandir l’enfant, mais a aussi ce sentiment de devoir “réparer le passé”. La maman d’accueil comprend qu’elle doit arrêter de penser à réparer constamment, mais surtout montrer qu’un autre chemin – et une autre image de la famille – est possible. Et dans cette mission, elle a souvent l’impression de ne pas être aidée par l’établissement scolaire, qui ne souhaite pas trouver de solutions pour aider Maxime. “Il était juste perdu et n’avait pas le mode d’emploi pour vivre avec les autres. On avait tous les deux besoin d’aide, mais c’est comme si on était seuls, pendant que l’école et les parents d’élèves nous pointaient du doigt plutôt que de nous tendre la main. Et c’était tellement difficile que j’avais extrêmement peur d’aller le chercher à l’école, autant que lui d’y aller… Ce qui intensifiait les problèmes de comportement”. Le petit garçon est vu comme un enfant à problèmes, Fanny décide donc de le changer d’école.

Fanny inscrit le petit garçon dans une nouvelle école, mais des problèmes identiques se reproduisent. Maxime accumule les bêtises et saborde tout ce que la jeune femme met en place. Elle ne sait que faire pour se sortir de cette situation, et la vie de famille s’avère souvent chaotique, même si de jolis moments aident Fanny à tenir bon. Et si elle doit à nouveau chercher une école pour Maxime, elle décide de faire les choses autrement, en impliquant pleinement le petit garçon: “Je lui ai dit qu’on allait chercher ensemble une nouvelle école où il serait bien, et qu’il aurait son mot à dire sur celle que l’on choisirait. On a visité cinq, six écoles, et on en a choisi une tous les deux, en prenant en compte l’avis de chacun. Ce qui nous a plu dans l’école choisie, c’est que la directrice ne nous a que très peu parlé d’apprentissage, mais plutôt d’aider Maxime à trouver sa place et, surtout, à retrouver confiance en l’adulte, vu son parcours. J’ai su qu’on était enfin entre de bonnes mains”.

Une école qui soutient la famille et un équilibre trouvé

Au sein de cette école, la jeune femme à la sensation d’être enfin soutenue dans le rôle qui l’incombe: celui de faire grandir ce petit garçon à l’histoire particulière. Maxime est quant à lui plus calme et il trouve enfin sa place… Un apaisement qui permet à l’enfant de goûter, de lui-même, au plaisir d’apprendre et de se faire des amis. “Je me sens enfin épaulée. L’équipe éducative est adorable et nous vient vraiment en aide. Ils déploient beaucoup d’énergie pour que Maxime et moi trouvions notre place, en travaillant avec la communication positive. Cela l’a vraiment aidé à se sentir aimé et respecté”.

Une nouvelle école qui change littéralement la vie de la petite famille. Fanny et Maxime découvrent la joie d’une vie plus apaisée à deux, remplie de bons moments et de petits bonheur: “J’ai vraiment vu un changement dans son comportement. Le travail que j’entreprenais à la maison était soutenu et porté par l’école, et cela lui a permis d’avoir un cadre bienveillant et des limites claires”.

Plus qu’un travail de famille d’accueil, une rencontre

Fanny a l’impression que ce petit garçon a été mis sur son chemin, comme deux êtres qui se choisissent. Une vraie relation de mère et de fils de cœur s’est créée entre eux, surtout que Fanny sait qu’elle sera famille d’accueil jusqu’à la majorité du garçon: “Dans beaucoup de dossiers, l’enfant garde un contact avec sa famille biologique et pourrait, selon des critères très stricts établis par les services d’aide à la jeunesse, se voir confier de nouveau à ses parents. Ici, notre histoire est différente, puisqu’il s’agit d’un placement de très longue durée. Et si je tiens à ce que sa famille biologique ait une place dans sa vie d’une certaine manière, il y a un lien unique entre nous. Il est mon petit garçon de cœur, et surtout la plus belle chose qui me soit arrivée. Il me fait grandir autant que je le fais grandir”.

Et si le chemin emprunté est certes particulier, Fanny ne regrette rien. Elle déplore juste le manque de soutien et de compréhension qui peut émaner des écoles et même des proches: “Pour certains de mes proches qui me connaissent bien, il semble clair que cette manière de vivre est en accord avec ce que je suis… Pour d’autres, c’est plus compliqué de comprendre que je puisse faire ce choix d’être famille d’accueil. Surtout que c’est différent d’éduquer un enfant placé qu’un enfant biologique: les enfants placés ont des besoins spécifiques et il faut constamment être sur le qui-vive. Ce n’est pas toujours simple de faire comprendre ça à l’entourage”. Ce sentiment de solitude a d’ailleurs donné envie à Fanny, dans le cadre de son travail, d’aider et d’accompagner les familles adoptantes et d’accueil dans leurs étapes, leur cheminement mais aussi leurs difficultés.

Être famille d’accueil ou adopter: quelle est la différence?

Être famille d’accueil est une démarche bien différente que celle d’adopter un enfant. En effet, en devenant famille d’accueil, le rôle principal est d’accueillir et d’offrir un environnement stable à un ou plusieurs enfants qui ne peuvent – ou ne veulent – vivre au sein de leur famille biologique, en raison d’une situation familiale difficile. Un placement, mis en place par les services d’aide à la jeunesse, qui peut prendre plusieurs formes:

  • L’accueil d’urgence: l’enfant est placé “en urgence” lorsque la famille traverse une grosse crise et que l’équilibre familial est bouleversé. Dans ce cas, l’accueil en famille se fait d’une manière extrêmement rapide et peut durer quelques jours ou quelques semaines. Dans de plus rares cas, plusieurs mois.
  • Le placement de courte durée: dans ce type de placement, il est clairement établi que le ou les parents biologiques ne sont plus en mesure d’assumer leur rôle pour une durée limitée. Les services sociaux optent alors pour un placement de courte durée (de moins d’un an) en famille d’accueil. L’objectif est que les parents biologiques puissent remettre de l’ordre dans leur vie avant de récupérer, avec l’accord des services d’aide à la jeunesse, leur(s) enfant(s).
  • Le placement prolongé: lorsque la famille biologique n’est pas en mesure – ou n’est pas autorisée – à s’occuper de leur(s) enfant(s) pour une durée de plus d’un an (et dans de plus rares cas, jusqu’à la majorité de l’enfant), on parlera de placement prolongé. Le rôle de la famille d’accueil est alors d’apporter stabilité et amour à l’enfant, mais aussi de lui apprendre à devenir indépendant.

Quel que soit le type de placement, les contacts avec la famille biologique sont toujours présents, mais peuvent être plus ou moins réguliers selon les directives de l’aide à l’enfance et le souhait de l’enfant et/ou de la famille biologique. Dans de rares cas, l’enfant placé et la famille biologique n’ont pas de contacts, ou presque.

Adopter ou accueillir un enfant

Vous l’aurez compris, l’objectif d’un placement en famille d’accueil est, la plupart du temps, que l’enfant réintègre et/ou reste en contact avec sa famille biologique, même si des cas de placements jusqu’à la majorité de l’enfant existent, comme celui du petit garçon qu’accueille Fanny. Être famille d’accueil est donc une démarche – très – différente de l’adoption: dans ce dernier cas, les démarches mises en place tant par la famille adoptante que par les parents biologiques est que l’enfant devienne celui des parents adoptants. Dans le cas de l’adoption d’un enfant belge, par exemple, la maman ou les parents biologiques donnent leur consentement à l’adoption, pour que la justice reconnaisse l’enfant comme étant celui des parents adoptants, sans que les géniteurs n’aient plus aucune autorité parentale.

Source: ici